Article de "La Voix du Caillou " du 10/01/2024
Christophe Papillon fait partie de la mince cohorte de ces aventuriers, hommes et femmes, qui ont traversé l’Atlantique à la rame. Il est installé depuis peu en Nouvelle-Calédonie, réalisant là, dit-il, « un rêve de gosse ». Mais l’ancien militaire, auteur d’exploits sportifs, est aussi et surtout un homme de cœur. Son parcours vaut d’être connu.
Depuis Gérard d’Aboville en 1980, le 1er à avoir traversé l’Atlantique dans le sens Ouest-est (Peggy Bouchet fut la 1ère femme en 1999), ils sont un certain nombre à se lancer dans cette aventure. Une épopée qui n’est jamais sans risque, malgré les progrès de la technologie, comme en témoigne la mort lors d’une de ces tentatives de Jean-Jacques Savin en janvier 2022, ancien militaire lui aussi. Christophe Papillon fait partie de ceux qui ont tenté et réussi. Parti des îles Canaries, il a mis 64 jours pour parcourir les 7 000 kilomètres le séparant de la Martinique, après avoir donné au moins 1 million de coups de rame.
« Rien n’est impossible »
Il s’élance à la fin de l’année 2021 après des mois et des mois de préparation. « J’ai eu beaucoup de difficultés à trouver des sponsors, car j’étais un illustre inconnu, reconnait-il. Mon idée a été de contacter des personnalités de toutes les corporations afin qu’elles me fassent un message de soutien. Et le premier à m’avoir répondu favorablement a été le prince Albert II de Monaco, qui m’a envoyé un message et un chèque. Ce chèque je ne l’ai pas encaissé, je m’en suis servi un peu comme « faire valoir ». Le parrain de cette aventure aura été le rugbyman Fabien Pelous, j’ai également été soutenu par le chef étoilé Thierry Marx, le réalisateur des « bronzés » Patrice Leconte, le cinéaste Nicolas Vanier et quelques autres ».
Outre l’effort quotidien, dont on a peine à reconnaitre l’exigence, la traversée de l’Atlantique reste un périple risqué. « L’être humain a une capacité fabuleuse qui est d’oublier les mauvais moments lorsqu’il a réussi quelque chose, dit Christophe Papillon. Mais oui, j’ai connu des moments où mon moral était bien plus bas que mes chaussettes. En mer, comme en montagne, la nature demeure la plus forte, j’ai eu un moment où j’ai joué de manière un peu idiote, mais heureusement je n’ai pas eu à en payer la sanction. » Christophe Papillon explique ainsi que même dans ces aventures dangereuses et épuisantes, une certaine routine s’installe. Ainsi, il n’a pas toujours respecté sa promesse de s’attacher avec un harnais. « Jusqu’alors je m’étais discipliné, raconte-t-il, et j’avais notamment un petit seau dans lequel je faisais mes besoins quotidiens. Mais ce jour-là, par flemme de me saisir du seau, je me suis levé pour faire pipi par-dessus le bastingage. Mais une vague que je n’avais pas vu arriver, plus forte que les autres, a failli me faire basculer par-dessus bord. Je me suis rattrapé par une petite ouverture sur la coque. Je me suis retrouvé dans le bateau et je me suis dit « prends une petite demi-heure et réfléchis bien à ce qui vient de se passer ».
Et puis il y a les conditions météo. Entre Noël et le Jour de l’An, j’ai eu quatre jours de mauvais temps qui m’ont fait reculer de 200 kilomètres ! C’est la période des fêtes, on est seul et loin de tout, et on rame 12 à 15h00 par jour pour constater qu’on recule ! C’est moralement très dur ».
Pour les veuves et les orphelins
Ce pari complètement fou (et gagné), Christophe Papillon ne se l’est pas lancé seulement pour lui-même ni pour se prouver quoi que ce soit.
Ancien parachutiste d’élite (chuteur opérationnel, membre des Forces Spéciales), Christophe a vu tomber bien des camarades autour de lui. C’est pour leur rendre hommage, et apporter un soutien à leur famille qu’il s’est lancé dans cette traversée.
« Dans mon idée, nous dit-il, la traversée de l’Atlantique devait être le vecteur de mon projet de venir en aide à des familles, des veuves et des orphelins, de mes camarades morts au combat. Mais pour moi, une telle action n’avait de sens que si quelque part, on se met en danger. Parce que dès qu’il y a une petite notion de danger, l’opinion est plus attirée par ce que vous faites. Oui je suis fier de ce que j’ai fait, dit-il. Quand je suis arrivé, j’ai reçu énormément de messages d’encouragement de veuves et d’orphelins. Je n’imaginais pas non plus tout ce que cela allait m’apporter en termes de confiance en soi. Et puis cela permet de se dire que rien n’est impossible, il faut simplement oser (ndlr : « croire et oser » est la devise du 6ème RPIMA) »
A la suite de cette traversée, Christophe s’est lancé dans un projet d’expédition en Antarctique, mais la Covid a ruiné cet espoir. Aussi, avec le budget récolté pour cette expédition, Christophe Papillon a lancé un « plan B », offrant à des orphelins de toutes les armes (Terre, mer, air et gendarmerie) des journées d’activités et de découvertes, qui se sont achevées pour certains par un saut en parachute en tandem.
L’aventure, Christophe Papillon l’a également connue en Chine où il vient de passer deux ans, dont une longue période à sillonner le pays, souvent en vélo, à la découverte et à la rencontre des minorités chinoises. « Je suis parti avec une bicyclette, un hamac et une soupe chinoise dit-il, en me disant que j’irai taper à la porte des gens un peu à la manière de « j’irai dormir chez vous », et au final je n’ai jamais dormi dans mon hamac, et je n’ai pas mangé ma soupe chinoise (sourire) ».
Voilà Christophe et son épouse chercheuse et scientifique, installés en Nouvelle-Calédonie. « Pour moi, conclut-il précisant s’être pris de passion pour le dessin et la photo, l’aventure n’est pas uniquement physique, elle est avant tout humaine. J’aimerai beaucoup ici partir à la rencontre d’autres gens, d’autres cultures, avec l’envie d’apprendre, de comprendre et de partager ».