Lieutenant-colonel Bernard Coqueblin (02 mai 1938 - 01 juin 2022)
Brevet para n° 119 981, Moniteur n° 975, Chuteur Ops n° 4
De père français et de mère vietnamienne, Bernard Coqueblin est né le 02 mai 1938 à Saïgon au Sud-Vietnam. Dixième d’une fratrie de 12 enfants, il intègre, l’École d’Enfants de Troupe de Dalat1 dès l’âge de douze ans.
En février 1956, il débarque en France pour la première fois, l’école ayant été transférée à Fréjus. Engagé volontaire le 2 mai 1956, le 2°cl Coqueblin est affecté, après sa formation complémentaire à Strasbourg, au 9e Régiment de Chasseurs Parachutistes (9° RCP) qu’il rejoint le 1er septembre à Batna en Algérie.
Affecté à la 1ère compagnie de combat, il est breveté à Philippeville et montre d’emblée de belles aptitudes guerrières. Nommé caporal-chef le 16 octobre, il se distingue au feu, recevant une première citation à l’ordre de la brigade le 2 novembre lors de l’assaut mené par sa section dans le djebel Bou Arif.
Promu sergent le 1er mars 1957, il effectue avec son régiment, un saut opérationnel en Nord 2501, sur la plaine de Sidi Ali, le 18 juin à l’aube. Ce saut du « 9 », homologué par le général Gilles commandant les TAP (décision 3028) est inscrit en rouge dans son carnet de sauts qui indique une hauteur de... 100 m. Il y a de la casse mais son groupe est intact et à peine ré-articulé, il entame sa progression.
Le 26 décembre 1957, aux environs de la forêt de Nouias (secteur de Redjas) son chef de section et l’adjoint ayant été tués, le sergent Coqueblin prend le commandement, maintient le contact sous le feu ennemi et profite d’un appui blindé pour se lancer à l’assaut, à la tête des voltigeurs, détruisant successivement plusieurs positions fellagas. Il s’en sort le bidon percé par deux balles et le brêlage coupé. Il est cité à l’ordre de l’Armée.
Les 29, 30 avril et 1er mai, à la bataille de Souk-Arhas, il parvient à faire évacuer dans de bonnes conditions son chef de section grièvement blessé malgré le feu nourri de l’ennemi et prend à sa charge le commandement de la section au feu, assurant la continuité de la mission durant les trois jours. Il est cité à l’ordre de la brigade.
Il rentre en France en décembre 1958, puis est breveté moniteur parachutiste le 12 avril 1959 avant d’être affecté à la Base École de Troupes Aéroportées (BETAP) le 22 mai suivant. Le 2 juillet 1959, il est décoré de la Médaille Militaire pour services exceptionnels, à l’âge de vingt et un ans.
Promu sergent-chef le 01 janvier 1960, et progressant très rapidement en voltige et précision d’atterrissage, il rejoint l'équipe de compétition de l'école la même année, et devient membre de l’équipe de France de parachutisme militaire. Plus jeune international de parachutisme militaire et civil, il participe aussi à de nombreux meetings, effectuant notamment un saut de démonstration devant la presse avec Colette Duval. Le 16 janvier à Abingdon en Angleterre, il saute d’un ballon de barrage2 à 250 m à l’instar des parachutistes britanniques de l’époque. Il aime le risque et le 24 février 1960, il saute en commandé d’une hauteur de 400m, derrière les automatiques, et tire la poignée de son parachute après 5 secondes de chute libre.
En 1961, au sein d’une équipe de moniteurs sélectionnés, il participe à l’expérimentation de sauts à grande hauteur avec arme, musette puis sac. Il effectue son premier saut avec sac et arme le 10 octobre 1961 d’une hauteur de 2500 m. Les jours suivants, les sauts grimpent à 4400 et 4500 m, et le 13 octobre, de 5200 m pour 100 secondes de chute libre. Lors d’un saut avec arme, il utilise de la ficelle de rôti pour fixer son AA52, mise en travers sous le harnais, afin de solidement la maintenir et éviter d’être blessé lors de l’ouverture de son parachute EFA 653.
Il participe aussi à l’expérimentation de parachutage en automatique à très faible hauteur. Rappelé au 9° RCP au mois de décembre, le sergent-chef Coqueblin retrouve ses frères d’armes, les héliportages et l’Algérie. Il se distingue de nouveau dans les accrochages et est noté comme étant un sous-officier d’élite.
Il rentre en France avec son régiment en décembre 1962 et est réaffecté à la BETAP en avril 1963. A partir de 1964, il saute toute la semaine mais passe ses week-ends à l’aéroclub détenteur d’une licence de pilotage, puis du brevet de pilote privé d’avion n°13 344 obtenu le 15 juillet de la même année. Lors des championnats d’Europe de parachutisme militaire en 1964 à Évreux, ses 3 premières places individuelles en voltige, précision d’atterrissage et combiné offrent un podium à l’équipe de l’ETAP.
A l'automne de la même année, l'adjudant Coqueblin participe aux premières évaluations de faisabilité de tests physiques spécifiques destinés à la sélection des futurs candidats à la chute opérationnelle. Tests qui ne seront officialisés que six ans plus tard, en 1970. La base d'une formation étant homologuée, il encadre le premier stage "chuteur ops" qui se déroule du 19 avril au 17 mai 1965 et se voit attribuer le certificat n° 4. Il ne recevra son diplôme que quatre ans plus tard, ceux-ci n’ayant été créés puis remis aux ayant droits qu' à partir de mars 1969 , suivi des brevets métalliques numérotés en 1970.
Il quitte Pau en 1966 pour les Forces Françaises stationnées en Allemagne (FFA) mais en avril 1967, sur demande de l’ETAP et sur décision de l’EMAT, il est détaché durant 3 mois et demi pour participer au championnat de France de parachutisme militaire avec l’équipe de l’Ecole3. Promu adjudant-chef la même année, il profite aussi de son séjour aux FFA pour passer le brevet parachutiste allemand à Altendstat en Bavière.
En 1969, réaffecté au 9° RCP à Toulouse, l’adjudant-chef Coqueblin remporte les championnats de parachutisme de la 20ème Brigade Aéroportée et de la 11ème Division parachutiste ce qui l’amène à participer deux années de suite aux rencontres interalliées de parachutisme à Bad Tölz en Allemagne, au sein des Forces Spéciales américaines, dont il obtient aussi le brevet para du détachement Europe4.
En 1972, dans le cadre de l’exercice bilatéral « Amitié 72 », il est projeté au Togo en première vague avec les chuteurs opérationnels de la brigade. Il effectue le 23 février un saut de nuit de 4000 m au dessus de la savane. Le 12 mai, lors de l’exercice « Épervier I », après un briefing tactique des chuteurs en vol, il effectue un assaut vertical de nuit d’une hauteur de 1200 m sur le camp de Caylus. Un second saut d’exercice a lieu dans la nuit du 15 au 16 mai.
Il est Président des Sous-Officiers du 9° RCP quand, le 1er janvier 1973, il est promu sous-lieutenant. A l’été, malgré le souhait de l’ETAP et des paras d’essais de Toulouse de le récupérer, il est affecté à l’ENSOA sur demande du Général commandant l’école qui le libère finalement au bout de deux ans. Le lieutenant Coqueblin est ainsi affecté au 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes (1er RCP) à Pau en 1975. Il reçoit l’honneur d’être porte-drapeau du régiment et se fait remarquer par le Gouverneur Militaire de Paris qui le félicite pour la tenue de sa garde lors du défilé à Paris du 14 juillet 19774 .
Bien sûr, il rejoint l’équipe de sauts du 1er RCP et retrouve la compétition au sein de la 2e Brigade et de la 11e Division parachutiste, ainsi que les exercices ponctuels des chuteurs opérationnels. A l’été 1978, il rejoint une nouvelle fois l’ETAP et, promu capitaine, il renoue avec l’instruction parachutiste apportant sa solide expérience.
C’est ainsi qu’en mai 1980 il reçoit la mission unique et particulière de délivrer une formation et de breveter parachutistes les miliciens de Vanuatu aux Nouvelles-Hébrides.
De 1980 à 1982, le capitaine Coqueblin commande la compagnie de camp de l’École d’Application de l’Infanterie à Montpellier. Il doit s’imposer avec fermeté mais réussit au final dans le lourd commandement de cette unité hétérogène. Il veut revenir dans les paras mais se retrouve bloqué par son potentiel TAP limité. Il occupe ainsi le poste de chef du 1er Bureau-Chancellerie du 1er Commandement de Logistique Opérationnelle à Metz, de 1982 à 1987, prolongeant avec succès les directives de son Général. Promu chef de Bataillon le 1er avril 1987, la croix de Chevalier de la Légion d’honneur lui est remise le 14 juillet de la même année sur front de troupes du Régiment de Livraison par Air à Metz.
Muté à l’été, il revient enfin en poste aéroporté et prend le commandement du Centre d’Instruction et de Préparation Militaire des Pyrénées Atlantiques. Il retrouve ainsi le camp d’Astra dans le cadre des PMP et se met à jour avec avidité sur le nouveau matériel, les qualifications et la réglementation parachutiste.
Promu lieutenant-colonel le 02 mai 1992, il fait ses adieux aux armes le même jour, sur la place d’armes de l’École des Troupes Aéroportées et sous le béret rouge si cher à son cœur.
Officier supérieur issu du rang, soldat titré de guerre, compétiteur international médaillé et pionnier de la chute opérationnelle, il est proposé pour le grade d’Officier de la Légion d’Honneur... Finalement, le 1er juin 2022, c’est par un bel après-midi ensoleillé qu’il effectue son dernier saut, après s’être allongé, à son domicile à Pau.
Bernard Coqueblin était Chevalier de la Légion d’Honneur, Médaillé Militaire, Officier de l’Ordre National du Mérite, Croix de la Valeur Militaire avec Palme et 2 étoiles, Croix du Combattant Volontaire agrafe « Afrique du Nord », Médaillé de l’Aéronautique, Croix du Combattant, Médaillé de la Jeunesse et des Sports, Commémorative AFN agrafe « Algérie ».
Visuels : 1. 1962 SOA / CDS 9e RCP - 2. Brevet et insigne métallique n° 4 - 3. Cdt du CIPM des Pyrénées atlantiques - 4. LCL 1992 fin de service actif